Canadian Journal for Traditional Music (1973)

Aux Delices de Folklore

Mary Ann Griggs

Dans son dernier livre, Les jongleurs du billochet, Père Germain Lemieux, folkioriste canadien eminent, nous présente une oeuvre qui rend hommage aux pionniers-troubadours du Nouvel-Ontario qui lui ont fourni, pendant ses longs travaux d'enregistrement, une collection énorme de contes et de chansons. Ces gens du pays, "jongleurs". qui proviennent des chantiers de bUcherons, des chemins de fer, et des cabanes de bois rond, amusaient leurs auditeurs comme les jongleurs du Moyen Age. C'était la coutume, le rite méme, que ces jongleurs modernes s'assoient "sur le billochet", tronçon utilisé comme siege officiel du conteur dans un camp de bUcherons. Presque la moitié du livre fait salut a ces individus, hommes et femmes, dont Père Lemieux a capté les gestes et les voix sur les rubans de son magnétoscope et de son magnétophone. Ii nous les a présentés comme artistes et comme citoyens, comme personnes que les générations a venir estimeraient certainement méme plus que nous ne les estimons aujourd'hui.

En plus, le folkioriste y trouvera un trésor de renseignements inéstimables pour son travail. Ceux qui ont visité son centre de recherches a l'Université de Sudbury le savent déjà: Germain Lemieux, c'est un grand savant qui se donne une peine infinie a étudier le folklore sous toutes ses faces. Ceux qui liront ce livre le sauront: c'est aussi un homme plein d'humanité, plein d'esprit, un homme a travers lequel on peut découvrir les délices du folklore et de la recherche. Parce que son amitié pour les gens du Nouvel-Ontario luit dans toutes les pages, nous autres, notis pouvons maintenant comprendre l'essence de leur culture et avoir notre part a nous de son plaisir en leur faisant honneur.

Malgré le fait que Père Lemieux démontre dans son travail une sensibilité remarquable, il est manifestement un enquêteur très précis qui, tout en tenant un regard clair sur le passé, a tout de méme saisi habilement et ardemment l'usage de la technologie moderne. Aujourd'hui quand tout le monde des grands villes commencent a obtenir les "Port-a-packs", on découvrit que Père Lemieux utilise depuis des années son magnétoscope dans les bois du Nord-Ontario comme si c'était un appareil du dix-neuvième siècle. Pour faire de telles recherches sensiblës avec tant de finesse, ii faut connaitre a fond les details techniques. Voici un enquéteur qui en est maitre.

Les recherches folkioriques au Nord-Ontario demandent également, selon Père Lemieux, une connaissance pratique. Alors, muni de hautes bottes de caoutchouc, d'une pelle, d'un eric puissant, d'un épais paillasson de cordage, et de deux bouts de planches, Père Lemieux attaque la boue, la neige, et la glace, les milieux du folkloriste du nord. Les jongleurs du billochet nous donne des contes comiques des aventures d'un folkloriste-enquéteur, entrelacées avec des contes folkloriques. On apprit, par exemple, comment on devrait s'approcher d'un chien defiant qui barrait la voie a sa voiture. On est avisé a ne jamais lâcher pied. Il est facile a voir qu'un folkloriste a besoin du courage aussi bien que de ses bottes de caoutchouc!

A cOté de ces "tuyaux" pour le dénicheur de folklore, Les jongleurs du billochet contient un essai brillant au sujet de la personalité du jongleur. Les "Gentils vieillards" que Père Lemieux comprend si bien grace aux longues années consacrées a sa vocation, nous sont révélés avec éclat. Leurs faiblesses — le cognac pour le coeur, le désir a rivaliser avec un ami, une certaine somnolence quelquefois — l'auteur les regarde avec tendresse et amusement; leurs grandes forces ii regarde avec respect. Il apprécie leur intelligence a juger la valeur esthétique des contes populaires. Ii s'émerveile à les entendre raconter de nouveau les themes des cultures d'antan avec une si grande vigueur qu'on les écoute muet d'admiration. Le conteur "exerce une sorte de puissance d'évasion aussi efficace que la marijuana ou le L.S.D., mais c'est une puissance plus same et plus humaine," écrit Père Lemieux. Un conteur peut ëtre un grand blageur aussi, exagérant d'une façon très drôle les details de son conte. Par exemple, celle du conducteur d'une voiture qui, après une grosse tempéte de neige, entend un son aigu et se rend compte que c'est le fer de son cheval qui avait heurté la croix de l'église au sommet du clocher!

En méme temps, Père Lemieux indique que le Franco-Ontarien a adopté un peu "la philosophic saxonne des Cold Facts" et que le voisinage de l'indien et de l'étranger a aussi influence l'expression de la culture franco-ontarienne. Pourtant les qualités du franco-ontarien dans le milieu des fermes, du chemin de fer, et des chantiers sont clairement uniques. On doit étre d'accord avec Père Lemieux quand il dit qu'on ne peut pas permettre qu'ils soient oubliés.

Germain Lemieux a écrit qu'un folkioriste doit ëtre "une sorte de maniaque". Quel maniaque qu'on rencontre dans Les jongleurs du billochet! Quand on trouve un folkloriste qui possède les qualités d'imagination et d'exactitude savant tel que Père Lemieux, on pourrait s'assurer que les bdnnes gens du Nouvel-Ontario ne seront pas oubliés.

University of Toronto,
Toronto, Ontario

Résumé: Mary Ann Griggs writes of a recent book by Father Germain Lemieux in which he describes the great artistic skill of the traditional story-tellers of northern Ontario. He outlines the history of collecting techniques and sets forth both the individual and the typical characteristics of the traditional tale-tellers.