
Canadian Journal for Traditional Music (1990)
Afrocuanisme au Quebec::
La runmba guaguanco
L'intégration d'éléments d'une culture étrangère a la musique d'un peuple est un phénomène universe!. Le processus d'acculturation est quasi instantané et a procure le succès commercial de groupes commercial de groupes comme irakere et Miami Sound Machine, (deux groupes d'origine Cubaine, et main-tenant dissous). Cette réalité, financièrement rentable, (on l'a vu avec 1 'etiquette de disques et cassettes de salsa "Fania", ou plusieurs artistes comme Peter Gabriel et Sting), estjuxtaposée avec une autre; celle des musiciens qui, eux, loin d'adapter l'jnstrumentation ou les méthodes d'échantillonnage des musiques dites populaires d'ici, conservent fièrement un peu de leur patrimoine a travers leur folkore musical. C'est le cas de la rumba guaguanco, intitulée "La trompetta" et interprétée par le groupe Québa (Québec/Cuba) de Montréal.
L'Afrocubanisme chez Québa est en grande partie dû a la contribution du chansonnier et compositeur Lazaro René. Cubain d'origine, Lazaro René est issu d'une famille spécialisée dans le folkore afrocubain. En 1977 ii a représente son pays dams le cadre d'un échange culture! Amérique/Cuba sous le nom de "The Heminguay event 1977". L'interprétation d'une rumba guaguanco par Québa se veut d'un purisme dams sa transmission ainsi que sa reproduction. Ccci est rendu possible grace a l'apport sensible des joueurs de conga et bongo, Alain Labrosse et Normand Bock.
Origine
La rumba guaguanco fait partie d'un complexe qui regroupe principalement les trois categories suivantes: le yambu, la guaguanco et la columbia. Elle trouve sa racine étymologique dans les termes tumba, macumba, et tambo signifiant différentes fetes collectives des peules libérés des chaines de l'esclavage mais vivants toujours dams les quartiers dépourvus des villes. C'est d'aileurs dams ces sections, (cabildos, solares), que fut créé la rumba guaguanCo.
Instrumentation
Cette fille africaine et espagnole qu'est la rumba guaguanco, comprend une instrumentation de base, qu'elle soit interprétée par des groupes spécialisés dams le folidore Afrocubain, ou par d'autres groupes qui y rajoutent des éléments dejazz. Tout d'abord deux larges et courtes baguettes appelées claves que l'on frappe l'une contre l'autre. Leur timbre riche et aigu constitue une base rythmique solide aux différents instruments qui viennent plus tard s'v greffer. Deux variations de cet ostinato rythmique sont possibles: la premiere est celle du style Matancero de la region de Matanzas et ses environs et la deuxième celle de la Havane. Même s'il s'agit d'un art transmis oralement, et bien que la transcription ne rend que partiellement justice a l'interprétation d'un rythme, voici un croquis nous permettant de visualiser la variante de ces deux styles.
1. Ce theme de recherche fait présentement l'objet de mon Mémoire de Maltrise a la Faculté de Musique de l'unversité de Montréal, en Ethnomusicologie.
Notons que le style de la Havane est le plus commun dans la salsa actuel.
Du l7ème a la fm du l8ème siècle, l'Espagne interdit aux esciaves les danses et lapossessionde tambours d'ocigine Africaine, symboles deregroupements et de possibles rebellions. C'est ainsi que se développe la rumba de cajones, c'est-à-dire rumba de caisse ou de boIte. Cette tradition existe toujours, et lors d'un séjour a Santa Mariaj'eus la chance de voir et d'entendre une famille interpreter une rumba de cajones avec les moyens du bord (bouteilles, caisse de bière, poubelle renversée). Selon mes informateurs, ce phénomène, se produit lorsque l'on n'a pas d'instruments sous la main, mais on veut quand même faire une rumba. Dans le cas de groupes folkloriques, on possède en général trois tambours du nom de tumbadore ayant comme ancêtre organologique le ngoma, utilisé dans plusieurs groupes ethniques de la famille linguistique Bantu au Nigeria. Ils correpondent a cc que les orchestres modernes appellent les congas, autre terme qui tire ses origines de 1'Afrique. Chaque tambour possède un nom et une fonction spécifique dans la polyrythmie. Le plus large, du nom de hembra (femelle), aussi appelé salidor (ouvreur), entame le bal suivi du macho (male) ou très-dos et fmalement du plus petit du nom de quinto.
Ce demier a un role improvisateur alors que les claves, le salidor, le très-dos et le rythme de la cascara demeurent relativement répétitives. Ce demier, auparavantjoué sur le corp d'un tambour, est maintenant exécuté sur un bloc de bois appelé cata. Le jeu se fait a l'aide de deux baguettes de bois frappées altemativement, ou deux ustensiles dans le cas de la rumba de cajones. L'exemple 1 met en évidence l'entrée successive des instruments lors de l'introduction d'une rumba.
Structure MÉLodique
Evidement, la rumba serait incomplete sans la voix. Le diana ou nana c'est a dire l'introduction chantée se situe soit avant ou après la succession des instruments. Les étapes d'une rumba guaguanco s'échelonnent toujours scion le modèle suivant: Suite a l'introduction, le chanteur nous raconte quelquechose qui est arrivé a quelqu'un ou décrit tout simplement un événement. Le choeur intervient ensuite, suivi de l'échange "appel et réponse" entre le soliste et celui-ci.
On s'attend bien que la rumba soit transformée durant son long périple a travers le temps et l'espace. C'est pourquoi je fus agréablement surpris de découvrir l'intreprétation que nous donne le groupe Québa d'une guaguanco. Mis a part quelques transformations, celle-ci a conserve toutes ses caractéristiques principales quant a la forme et a l'instrumentation.
Pannis ces transformations, on note le role predominant de la trompette qui interprète le diana ainsi que la fonction du chanteur dams la section "appel et réponse".
H estjuste de croire que le role de la trompette ait été réalisé consciemment, étant donné tout d'abord le titre "La trompetta" et ensuite sa fonction instrumentale de chanteur. D'autres paramètres on été transfonnés comme la presence de seulement deux chanteurs au lieu du choeur de trois et plus, ou l'absence du rythme de la cascara. Même les paroles ont demeurées dams l'espnt dans lequel la rumba guaguanco fut créé; elles nous rancontent:
"Près de la mer
fly a un pavilion
Dont je me souviens
Les gems s'y divertissent J'y vais (par là)"
La rumba guaguanco du groupe Québa a conserve sa saveur d'origine. U y manque cependant un aspect essentiel: la danse. Très symbolique du rituel de séluction symbolisant les difficultés de l'homme a posséder la femme, la danse est caractérisée par le geste de possession du nom de vacunao originaire des danses yuka et macuta des groupes ethniques Bantu. Si i'homme échoue, la femme démontrera en dansant qu'il est incapable de la posséder. Une description plus détaillée est de rigueur, bien qu'elle ne saurait mettre en valeur toute la réalité que rev& l'éxécution d'une "fiesta de rumba". L'interaction entre les danseurs, les music iens, le tambour quinto et les danseurs, le chanteur et le choeur, le public, sont quelques-unes des réalités qui dépassent les deux dimensions de cette feuille. Le "momentum" ajouté tout cela, nous pouvons en conclure que la participation a une fiesta de rumba est encore le meilleur moyen d'en "vivre" les paramètres. Les membres du groupe Québa sont conscients de cette réaiité et ii est fort plausible d'envisager une éventuelle "fiesta de rumba" avec le groupe.
Conclusion
Les échanges de l'afro-américanisme avec l'afro-cubanisme créèrent l'évolution d'un style du nom de jazz latin. Auparavant connu sous le nom de cubop et musica tropical, ce phénomène s'est échelonné sur plusieurs années, symbole d'une musique en constante evolution. Est-ce le sort réservé a la rumba guaguanco ou saurons-nous conserver intact cc échantillon du partimoine cubain? Entre Ia prospérité ou la simple presence d'éléments de cc style, la marge de manoeuvre est mince pour les musiciens qui, dans l'avenir s'inspireront de la rumba guaguanco.
TV Ontario
Toronto, Ontario
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